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Date de création : 21.09.2010
Dernière mise à jour : 03.01.2011
27 articles


LA POULE IX

Publié le 13/10/2010 à 11:52 par joliroi Tags : image femme photo bonne fond chez homme nuit art femmes amis anniversaire voyage carte artiste
LA POULE IX

- Montez, je vous en prie. Je vais vous installer.

Roland allongea le drag-queen sur le petit lit et retira sa chaussure en massant doucement la cheville enflée.

- Vous êtes très doux quand vous n’ouvrez pas votre portière sur les passants.

- Encore une fois, je suis désolé. Mais ne vous inquiétez pas, je ne pense pas que ce soit cassé. J’ai ici une trousse de premiers soins.

- Je ne suis pas inquiète, vous semblez si rassurant… C’est comment votre petit nom ?

Déjà, Roland s’était penché et cherchait sa sacoche sous le siège.

- Je suis Jack, et vous ?

- On m’appelle Roberta.

Enfin, les doigts du sculpteur agrippèrent le manche du couteau de boucher.

- Dites-moi Jack, vous ne voulez pas vous rapprocher de moi ?

- Mais volontiers, Roberta !

Dans un mouvement féroce, Roland se redressa, le couteau pointé vers sa victime. Le geste fut si violent qu’il se cogna de nouveau la tête et tomba de tout son poids sur Roberta. Quand il se releva, la pauvrette gisait sur la banquette du van le regard fixe avec dans les yeux, un grand point d’interrogation !

*

Après s’être débarrassé du corps du travesti, Roland passa le reste de la nuit à nettoyer le Van. Il scruta le moindre détail et fit disparaître les plus infimes indices. Pour que tout soit parfait, il avait même donné rendez-vous à une ex petite amie, infirmière de nuit. Il passa la récupérer à 6 heures à la Salpetrière en lui apportant un joli bouquet de violettes. Touchée, la jeune femme succomba à ses avances et se laissa prendre dans le Van. Arsène était encore en sa compagnie lorsqu’il ramena le véhicule à son propriétaire. Cette précaution corrobora son alibi et Fabio le gratifia d’un clin d’œil exagéré, dés que l’infirmière tourna la tête.

Le lendemain matin, Roland se rendit à l’atelier. Sans attendre, il coula la cire dans son vieux moule. Prenant soin d’appliquer le rituel à la lettre, il y incorpora l’organe, donnant ainsi une âme à son professeur d’autrefois. En fin de journée Arsène l’appela :

- J’ai pu avoir le directeur du musé Tusseau, il accepte de me recevoir dans deux semaines. Je pars dans huit jours pour l’Angleterre.

- Désolé mais je suis malade. Je ne pourrais pas venir avec toi. Je crois que j’ai attrapé la grippe.

- Bon, OK ! Je pense être de retour dans une quinzaine de jours, je profiterai de ce voyage pour visiter la ville. Au fait, le Grévin inaugure notre sculpture le mois prochain. Nous pourrions aller ensemble à la cérémonie.

- C’est une bonne idée, j’irai mieux d’ici là. Bon, je te laisse, je dois me recoucher.

Roland éteint son portable et retourna œuvrer. Avec force et délicatesse, il ouvrit le moule. Le visage hostile de son vieux professeur apparut. Même en statue, l’homme lui faisait encore peur. Il chercha dans son tiroir des yeux d’un vert sombre et cruel. Il incrusta, un à un des poils, poivre et sel, pour reproduire les sourcils. La calvitie du modèle facilita sa tâche. Cinq jours durant, il fignola son ouvrage.

Lorsqu’il eut terminé, il se rendit à la salle des ventes de Drouot. Comme prévu la statue fit forte impression au commissaire priseur. Il lui proposa de l’exposer. Une grosse vente devait avoir lieu, deux jours plus tard, au profit d’une œuvre caritative pour laquelle certains artistes Français vidaient leurs placards. Roland accepta.

Au guidon de son scooter, il fonçait en direction de la proche banlieue. Les maisons, toutes semblables, s’alignaient à l’infinie. Au numéro 13, un homme couvert d’un béret sombre, s’esquintait le dos à arracher des mauvaises herbes dans un potager. Malgré le temps passait, Roland sentit son ventre se nouer en voyant le profil de ce visage usé par les années et la méchanceté. Sans bruit, il glissa une enveloppe contenant une invitation à la vente aux enchères et une photo de la statue dans la boite aux lettres. Puis il rentra chez lui, dans un état de tristesse qu’il ne comprenait pas. Il s’y terra jusqu’au jour J.

La salle était remplie d’hommes et de femmes au chéquier impatient. Roland trouva une place prés de l’estrade. Il repéra sans peine son ancien professeur. L’homme était là, assis au fond, près d’une vielle dame. Sa mégalomanie l’avait emporté sur son potager. Le slip de Bigard fit un bon score, un peu plus de deux mille Euros. Arriva le tour de la statue.

- Et maintenant, je vous présente une œuvre originale. Une statue dont le moule a été réalisé en 1974 et dont la cire a été coulée, il y a seulement quelques jours. L’auteur est professeur aux beaux-arts, à Paris. Il s’agit de Monsieur Roland Jango.

Le visage du vieux professeur se décomposa. Ses yeux, remplis de vanités, cherchaient dans la salle son ancien élève. Roland baissa la tête pour ne pas être reconnu.

- Le prix de départ est fixé à mille Euro.

L’exposition de la statue pendant deux jours avait porté ses fruits. Au début des enchères, le professeur leva la main pour se payer ce dernier plaisir. Puis les sommes devinrent trop importantes pour un fonctionnaire à la retraite, il lui fallut abandonner. Tout de même flatté, il vit sa statue adjugée pour un montant dépassant tout raisonnement.

*

Dans la brume matinale du bois de Boulogne, l’inspecteur Taté, chargé de l’enquête, faisait les cent pas devant le cadavre sanguinolent de Roberta. Des mouches finissaient leur festin. L’affaire du serial killer commençait à prendre une dimension médiatique. Le policier allait devoir enquêter auprès des gens de la nuit et cet environnement n’était pas le sien. Depuis le dernier meurtre, l’enquête n’avait pas avancé. Il sentait sur ses pauvres épaules, une insupportable pression hiérarchique. Par expérience, il savait que lorsque les journaux faisaient leurs titres avec ce genre d’histoire, le nombre de plaintes et de témoignages doublaient. Chaque personne ayant eu un comportement singulier cette nuit-là, se trouvait aussitôt suspectée et dénoncée. Il ne fallait négliger aucune piste, chacune pouvant être le fil d’Ariane accroché à la cheville de l’assassin.

Durant plusieurs jours, il éplucha les dépositions pouvant avoir un rapport avec le monde des noctambules. Il convoqua un certain nombre de personnes. La plupart d’entre elles relevaient de pauvres types cherchant à se venger : un commerçant volé, un triste cocu… Pourtant un homme attira son attention. Ce garçon sympathique répondait au nom exotique de Jean-Rémi Mayajun. Il décrivit avec une grande clarté, sa soirée passé au V.I.P. et la rencontre saugrenue et effrayante avec un dénommé Galliano. N’ayant aucune autre piste, L’inspecteur lui proposa d’établir un portrait robot. Mayajun se soumit à l’exercice avec application, déjà tout excité de l’intérêt qu’il susciterait lors de ses prochaines soirées mondaines. Sur un ordinateur, le policier fit défiler des yeux, des sourcils, des cheveux et bien d’autres parties du visage. Le témoin sélectionnait telle ou telle image pour aboutir à un abominable portrait n’ayant rien d’humain. Afin de ne pas passer pour un imbécile (mais sans grande conviction) il finit par dire : « Voilà ! C’est bien lui ».

Heureusement pour Taté, la description du van était beaucoup plus réaliste. Retrouver son propriétaire fut un jeu d’enfant.

L’inspecteur Taté rencontra Fabio Popo à son garage, quelques jours après l’assassinat :

- Ce soir-là, à l’heure que vous m’indiquez, je fêtais mon anniversaire au « Ponte Vecchio », petit restaurant de Montmartre.

- Vous étiez nombreux ?

- Mes parents, mon frère, ma sœur et mon épouse. J’ai réglé par carte bleue, vous pouvez vérifier.

- Nous, n’y manquerons pas. J’aimerais quand même jeter un coup d’œil au van. Est-ce possible ?

- Je vous précède, fit Fabio, invitant le policier à le suivre.

L’inspecteur ouvrit la portière latérale avant de déclarer :

- Je suis désolé Monsieur Popo mais je vais devoir ordonner une expertise sur votre véhicule. Cela ne sera pas long.

- Très bien. Prévenez-moi lorsque je pourrai venir le récupérer.

Après la visite de Taté, Fabio appela Roland, un peu inquiet :

- Tu as eu un problème l’autre jour avec le van ?

- Pas du tout, pourquoi cette question ?

- Un policier est venu me voir. Il m’a vaguement parlé d’un accident. Le conducteur conduisait le même type de caisse.

- Tu as pu constater que j’ai ramené la tienne en un seul morceau.

- Oui ! Et avec quel morceau, ironisa Fabio. Allez, excuse-moi de t’avoir dérangé, je tenais simplement à être rassuré.

- Y a pas d’soucis, répondit Roland. Porte-toi bien.

*

De son côté, Arsène préparait son voyage pour l’Angleterre. En fin de matinée, il acheta le guide du routard de Londres. De retour, il prit un thé aux «Deux Magots». Le café mélangeait un étrange clair-obscur intérieur et un patchwork chamarré de touristes bigarrés et de stores émeraude à l’extérieur.

Arsène trouva une petite table donnant sur la place Sartre-Beauvoir. Il avait presque oublié ses crimes lorsqu’il tomba sur la une de Libération. Le quotidien publiait le portrait robot de l’arracheur de cœur. Pour tout autre que lui, il eut été impossible de reconnaître Roland. Sans finir son thé, il courut jusqu’aux beaux-arts, tous proches. Il vit Roland entrer au bar des « Deux Académies ».

- T’as lu les journaux ?

- Tu as un train de retard, mon vieux. Le portrait robot est déjà passé au journal de 13 heures.

- Cela ne semble pas te perturber outre mesure…

- Tu t’fais du mouron pour rien. Tiens regarde : hé, patron, vous avez vu la tronche de l’autre tordu ?

Le tôlier chaussa ses lunettes et ajusta le journal à sa vue. C’était un homme d’une cinquantaine d’années aux cheveux grisonnants qui fumait des gitanes maïs.

- Ben dis-donc ! Avec cette tronche on devrait vite le repérer !

- C’est curieux, il me fait penser à quelqu’un, lança Roland.

- Donnez voir…Mais oui ! Au l’enfant de salaud !

Arsène pâlit.

- On dirait le livreur de pizza. Vous êtres très physionomiste monsieur Jango.

- Pas tant qu’vous patron, pas tant qu’vous…

Roland prit son malheureux associé par l’épaule et sortit du bar.

- Alors Arsène, tu as encore des doutes ?

- Dans l’article il parle aussi d’un van assez remarquable et d’un accoutrement peu ordinaire. Es-tu bien sur que personne ne t’a identifié ?

Pour la première fois, Roland montra un signe de faiblesse. Il ne soutenait plus le regard d’Arsène.

- Ne t’inquiète pas, je suis un artiste du crime.

- Je pense qu’il vaudrait mieux que tu viennes avec moi à Londres.

Arsène trouvait insupportable le comportement de Roland mais il préférait le savoir prés de lui. Naïvement, il espérait le raisonner et calmer ses pulsions meurtrières.

*

Votre attention, s’il vous plaît. Départ pour Londres, vol British Airways 7714. Embarquement immédiat porte 22.

- C’est à nous !

Les deux hommes se dirigèrent vers la douane. La vue des uniformes tétanisait Arsène. Il avait beau se conditionner, se répéter que malgré ses forfaits, il n’avait jamais été inquiété par la police, son corps réagissait en coupable. Le regard fuyant et les mains moites, il tendit au douanier sa pièce d’identité. En revanche, Roland se délectait de ce pied de nez à l’ordre français. Il salua les hommes en uniforme, d’une voix forte. Tout en cherchant sa carte d’identité, il posa le journal de la veille avec le portrait robot du serial killer, sur la tablette du comptoir.

- Alors messieurs, l’assassin n’a toujours pas quitté notre beau pays ?

Sans un mot les fonctionnaires rendirent le passeport à Roland et le saluèrent d’un geste blasé.

Arsène était inquiet. Il redoutait les réactions de son ami. Il emprunta la passerelle de l’avion, le devançant de plusieurs mètres. Une fois installé, il ouvrit une sacoche et sortit son PC portable. Il le plaça sur la tablette, l’alluma et attendit l’arrivée de Roland.

- Si t’as honte de moi, faut l’dire, hein !

Sans un mot, Arsène pianota une réponse sur le clavier de son ordinateur. Il pivota l’écran vers Roland qui put lire :

- Si tu aimes les risques, moi pas. Il y a trop de monde ici pour avoir une vraie conversation, aussi je vais t’écrire ce que je pense de ton attitude.

Roland sourit, amusé.

- Tu es en train de dévier complètement de notre projet initial. Tu as oublié que notre seule motivation est l’art et non pas le meurtre. Tu perds la raison. Avec tes conneries on va se faire choper !

Imperturbable, Roland, approcha ses doigts du clavier et pianota à son tour :

- Cela fait vingt ans que je fais des statues de toutes sortes, en marbre, en bronze, en plâtre, en cire et je n’ai jamais obtenu la moindre reconnaissance. J’ai appris les techniques de cet art à des merdeux sans talent qui ont su s’enrichir parce que leurs pères étaient influents où naviguaient dans la jet-set. Aujourd’hui, les artistes sont devenus des cols blancs, déguisés en bohémiens. L’art dont tu parles n’existe plus. Il n’y a que des remix et des adaptations. Ces bourgeois sans talent ne sont que des conservateurs aigris et hermétiques à toute renaissance artistique. La motivation n’est plus la beauté mais le profit. Les néo artistes n’attendent plus l’inspiration, mais les études de marchés.

Grâce à ton procédé, nous pouvons tout foutre en l’air et balayer les «urubu» des métiers de l’art. La gloire, la reconnaissance et l’argent nous attendent.

J’ai vendu le portrait de mon ancien professeur. Il n’avait rien de particulier, et pourtant on se l'est arraché. Je ne veux pas me contenter de faire de la merde et devenir le sculpteur de cire du show-biz. Il faut voir plus loin, plus grand. Désormais rien ne nous empêche de vendre de véritables œuvres.

Grâce à toi, j’ai retrouvé mes rêves d’enfant. Tout est désormais possible. Oui, je suis un être doué de pouvoirs magiques et oui j’en devient irrésistible. Nous ne tournons plus autour de l’art, nous en sommes le centre maintenant.

Tu me traites de serial Killer ? Mais toi aussi tu en es un ! Moi, au moins, j’essaie de prendre du plaisir et d’être créatif à chaque étape. Et puis je trouve mesquine ta manière de tuer du bout des doigts. Si un jour je suis pris, je n’aimerais pas que l’on me juge comme un tueur par nécessité. Je veux une vie fantasque comme celle de Dali ou Picasso. De toute manière, je ne compte pas tuer indéfiniment, juste le temps de me faire une cote digne de mon talent. La célébrité acquise, les gens n’achètent plus que des signatures, peu importe la gueule de l’objet.

Et puisque tu veux parler de nos projets, je dois te prévenir que j’ai changé d’avis sur notre collaboration. Jusqu’à cette semaine je pensais que la gloire, le pouvoir et l’argent ne m’intéressaient pas. C’était faux ! Je n’ai aucune honte à l’avouer, j’ai ressenti une sensation de fierté tout à fait nouvelle, lorsque ces gens riches et de bon goût, ont levé la main pour faire monter les enchères. C’était grisant comme sensation. Vois-tu, j’éprouve le désir de signer chacune de mes œuvres. Dans quelque temps, je travaillerai seul. Bien entendu, nous resterons amis et continuerons même à collaborer, de temps à autres.

Après un moment de perplexité, Arsène répondit :

- Et si l’un de nous deux tombe ?

Avec un grand sourire Roland expliqua son plan :

- Si l’un de nous deux se fait arrêter par la police, l’autre doit tout faire pour qu’il sorte.

- Mais comment, s’exclama Arsène, oubliant son vœu de silence.

- Imaginons que je me fasse prendre. Je serai bien obligé d’expliquer le mobile de mes crimes. Après enquête, ils devront se rendre à l’évidence et reconnaître notre incroyable pouvoir.

Arsène hocha la tête en signe d’acquiescement.

- Si je leur explique qu’une autre personne détient ce secret et qu’il lui serait facile de révéler notre rituel sur le web, comment penses-tu qu’ils réagiraient ? Tous les artistes ratés, et Dieu sait qu’il y en a, et même tous les curieux sans scrupule deviendraient des assassins. Il suffirait que tu envoies à mes chers juges une lettre anonyme avec tes intentions. Dans ces conditions, ils n’auraient d’autres solutions que de me libérer.

- Et si je n’envoie pas cette lettre ?

- Si je suis arrêté, je te donne un mois pour me faire sortir de là. Si tu ne te manifeste pas, je te balance.

- J’accepte le contrat mais il est valable aussi pour toi.

Commentaires (1)

Katherine le 14/10/2010
Stupid Roland!!


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